Les droits de l’Homme, valeur de la Francophonie

Les droits de l’Homme, valeur de la Francophonie

La collection

La démocratie, les droits de l’Homme, l’État de droit et la justice sont au cœur des valeurs défendues par la Francophonie.

Sont présentés ici des collections sur les droits de l’Homme à travers l’histoire, les sciences juridiques et les sciences politiques.
De belles estampes de la fin du XVIIIe siècle illustrent de manière originale cette thématique en proposant des portraits d’hommes et de femmes affranchis de la servitude de l’esclavage.

 
Article

Par droits de l’homme, on entend droits de la personne humaine, droits fondamentaux de l’homme. On préfère à la place de « droits de l’homme », parler de « droits humains » pour intégrer la dimension genre. Les droits de l’homme demeurent un phénomène historique et universel. Toutefois, ils ne peuvent obtenir l’effectivité si la culture n’est pas prise en compte. Là réside la pertinence d’une Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981, à Nairobi, par la conférence des chefs d'État et de gouvernement de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), devenue l'Union Africaine (UA). En effet, la Charte africaine est entrée en vigueur le 21 octobre 1986, en s’inspirant des textes juridiques internationaux et régionaux de protection des droits de l'Homme ainsi que des traditions juridiques africaines, en maintenant le lien entre droits et devoirs et le lien entre droits de l’homme et droit des peuples. Ainsi la commission africaine des droits de l’homme (article 30 de la charte) entend par peuple également la communauté ethnique ou nationale.

La charte de Kurukan Fuga a été adoptée, après la bataille de Kirina, par les représentants du mandé primitif, réunis en 1236 à Kouroukan Fouga, pour organiser la vie du grand ensemble mandingue et humaniser la vie sociale, en invoquant une gestion participative du pouvoir.

Jean-Louis Atangana Amougou, « La commission africaine des droits de l’homme et des peuples », in : Droits fondamentaux, n° 1, juillet – décembre 2001, p. 91 ; Emmanuel Guematcha, « La justiciabilité des droits sociaux en Afrique : L’exemple de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples », in : Revue des droits de l’homme, juin 2012, p. 140.

Nobert Rouland, « Les fondements anthropologiques des droits de l’homme », in : Revue générale de droit, 1995, n° 25, p. 21. Voir dans le même sens, Alioune Badara Fall, « La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme », in : Pouvoirs, 2009, n° 129., pp. 84 et 86 ; Maurice Glélé Ahanhanzo, « Théorie et pratique des droits de l’homme dans l’Afrique contemporaine », Annales africaines, Dakar, Université de Dakar, 1986-1987-1988, p. 132.

A l’époque coloniale, l’autorité coloniale, influencée par la Déclaration du 26 août 1789, a tenté, avec sa mission civilisatrice et l’ordre public colonial, d’introduire la liberté individuelle. Néanmoins, elle a buté sur la résistance africaine. D’où la charte africaine pour tenir compte des préoccupations essentielles des Africains, mais aussi de la conception qu’ils pouvaient avoir des droits de l’Homme. Par ailleurs, on relève la réticence asiatique, l’individualisme occidental fait face au confucianisme ou au bouddhisme. Bien entendu, la déclaration des droits humains de l’Association des nations d’Asie mérite d’être évoquée. L’on se demande si l’évocation des spécificités asiatiques ne constitue pas une stratégie de légitimation des pouvoirs autoritaires. De son côté, l’organisation des Etats américains (OEA) adopta d’abord la déclaration américaine des droits et des devoirs de l’homme en 1948 et ensuite la convention interaméricaine des droits de l’homme en 1969. Les Caraïbes émettent des réserves relativement, notamment, à la parité et à l’abolition de la peine de mort. Nonobstant les pesanteurs traditionnelles, le système caribéen (Haïti, Cuba, Havane…) participe à la lutte pour la promotion, la protection et la défense des droits humains. En outre, le problème d’accessibilité au droit et à la justice se pose et nécessite une vraie politique d’assistance juridique et judiciaire. Des associations et des ONG agissent pour une diffusion et une forte dynamique de justiciabilité. Mais, il faut tenir compte du rôle de la famille et des religions. Une éducation permanente aux droits de l’homme s’impose tout comme la formation et la recherche au sein des universités.

Kéba M’BAYE, « Les réalités du monde noire et les droits de l’homme », in : Revue de Droit international et Droit comparé, vol II, 3, 1969, Doctrine, pp. 383 et 384 : « (…) Dans les pays colonisés, l’égalité n’existait pas, puisque qu’aussi bien on faisait la distinction entre les « indigènes » ou les « natives » d’une part, les « citoyens » d’autre part. La liberté de penser et d’expression et la liberté d’association étaiement méconnues. Quant au droit de participer à la gestion des affaires publiques, ou de prétendre à un salaire égal pour un travail égal, il n’était évidemment pas question de les étendre aux colonisés. (…). Le résultat de cette situation a été que les peuples colonisés de l’Afrique noire et de Madagascar se sont toujours considérés comme n’étant pas concernés par les principes établis par la Déclaration universelle des droits de l’homme ».

En ce qui concerne l’identité asiatique, lire, par exemple, Mathieu B. et Verpeaux M. contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, LGDJ, 2002 ; Favoreu L. et alii, Droit des libertés fondamentales, 3éd 2005, Dalloz ; Levinet M., Théorie générale des droits et libertés, Bruxelles, Bruyant, 2006 et Leclercq C., Les libertés publiques, Litec, 2003.

Levinet M., Théorie générale des droits et libertés, Bruxelles, Bruyant, 2006, p. 220.

Norbert Rouland, « A propos des droits de l’homme : un regard anthropologique », in : Droits fondamentaux, n° 3, janvier – décembre 2003, pp. 1 35 - 137 ; du même auteur, « Les fondements anthropologiques des droits de l’homme », in : Revue générale de droit, 1995, n° 25, p. 11 ; dans le même sens, Fatsha Ouguergouz, La charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Une approche juridique des droits de l’Homme entre tradition et modernité, PUF, Paris, 1993, pp. 11-12.

Professeur Samba THIAM, Directeur de l’Institut des droits de l’homme et de la paix (IDHP), Université Cheikh Anta Diop (UCAD), avocat à la Cour.