Cheikhou Oumar El Foutiyyou est une forte personnalité africaine du XIXème siècle (1797-1864). Plus connu comme conquérant et fondateur d’un empire musulman, il n’en est pas moins un homme de culture, un écrivain hors pair. Il a légué à la prospérité pas moins de dix-huit œuvres en vers ou prose et la célèbre "Bibliothèque Oumarienne de Ségou".
Cheikhou Oumar El Foutiyyou, l’homme de culture et de plume
Cheikou Oumar est né vers 1797 au Foûta-Toro, dans la vallée du fleuve Sénégal. Un vaste royaume dirigé alors par des lettrés qui ont mené, en 1776, une révolution politique, sous l’égide de Ceerno Sileymaani Baal, pour l’instauration d’un régime électif appelé l’Almaamiya. Le père de Cheikhou Oumar, Seydou Attumaan, faisait partie des acteurs de cette Révolution. Il a fréquenté le foyer religieux de Pir Sagnokhor dans le Kayor, l’une des plus grandes institutions d’enseignement de la sous-région à l’époque. L’éducation de base de Cheikhou Oumar fut assurée par son père et son grand frère Amadou Seydou qui faisait partie du nombre restreint des Alfa (Docteur en exégèse coranique) du Foûta. Ainsi, Cheikhou Oumar a été élevé dans un milieu familier à l’écrit et au livre. Il a lui-même très tôt pris la plume pour reproduire le commentaire du livre El-ferida de Suyuuthi en grammaire afin de permettre à ses condisciples et enseignants d’accéder à ce manuel rare. On peut dire qu’il s’est, dès ce moment, intéressé à l’écriture et aux livres.
Constitution de la bibliothèque Oumarienne
Après une éducation de base au sein de sa famille et une formation supérieure effectuée dans d’autres foyers de la vallée du Sénégal, Cheikhou Oumar décida d’effectuer le pèlerinage à la Mecque avec tous les risques qu’un tel projet pouvait comporter. Ceux qui avaient osé y aller pour être auréolés du titre d’El Hadj n’étaient pas nombreux. Néanmoins, il a entrepris le voyage tout en poursuivant ses activités préférées : la lecture et l’écriture. C’est en cours de route, qu’il entama son premier livre Tadzkirat al-mustarchidîn, un recueil de poème de 205 couplets qu’il achèvera à Médine devant le Mausolée du Prophète (PSL). Il avait, au même moment, à l’étape de Bornou, composé Tadzkirat al-Ghâfîlin, une ode de 106 vers pour réconcilier les souverains de Sokoto et de Bornou. C’est d’ailleurs à l’Emir de ce royaume que Cheikhou Oumar confia sa première bibliothèque, constituée de livres et manuscrits sur toutes les thématiques enseignées en Afrique de l’Ouest. Il consigna tout cela dans un sublime poème de 61 vers dédié à cet émir avec des couplets montrant combien les livres importaient plus que tout pour lui : « Le livre est la raison de ma vie, le liquide de mes yeux == l’essence de mon âme et la clé de mon cœur ». On peut faire remonter à ce moment précis le début de la collection des écrits qui ont constitué la bibliothèque Oumarienne de Ségou, confisquée par le Colonel Louis Archinard.
Saisie de la bibliothèque Oumarienne
Ségou était la capitale culturelle de l’empire Oumarien. La ville était sous l’autorité d’Amadou Cheikhou (1836-1897), qui a succédé à son père disparu en 1864, quand le Lieutenant-colonel Louis Archinard y entrait le 6 avril 1890. Ce dernier y trouva un trésor évalué à 76,82 kg d’or, 157 kg d’argent, une bibliothèque riche en manuscrits de grands auteurs musulmans tels que : Ahmad Bâba Al-Tumbuktî, Abdel Karim Al-Maghilî, Abderrahmân Sâdî, Mahmuud Kâtii, Jalâl El-Dîn As-Suyuuthi, Abdel Wahâb As-Sa’arâni, Ali Harrazim Barrâda, Mouhammad El-Ghazâlî, Ibn Athaa Allâh El-Iskandarî, etc.
Les livres et les bijoux sont emballés et envoyés en France pour être déposés au Magasin Central des Colonies, à Paris.
La décision de déposer les livres et les manuscrits à la Bibliothèque nationale est prise en 1892, suite à la proposition d’Octave Houdas, professeur d’arabe à l’école des langues orientales, qui représentait le ministère de l’Instruction publique au sein de la commission d’évaluation du trésor de Ségou. Ainsi, le 28 octobre 1892, quatre caisses de livres et manuscrits pesant 585 kg sont envoyés à la Bibliothèque nationale. Il s’agit de l’ensemble de la bibliothèque de Cheikhou Oumar enrichie par des documents et livres réunis par son fils Ahmadou, soit 518 volumes environ. Ce fonds comprend des ouvrages écrits par Cheikhou Omar lui-même dont son chef d’œuvre Rimâhu hizb al-rahîm alà nuhùr hizbi al-ragîm avec le tiers des documents qui y sont référencés (44 sur 125). Les manuscrits ne sont pas qu’en langue en arabe, certains sont en peul ou pulaar, la langue maternelle de Cheikhou Oumar.
Enfin, on peut affirmer que l’importance de ce fonds pour la connaissance de l’histoire authentique de l’Afrique de l’Ouest est indéniable. Il a valu aux africanistes la découverte de Târikh Es-Soudan d’Abderrahmaan Sâdî qu’Octave Houdas a traduit. Il en avait pris goût pour traiter Târikh El-Fettâch de Ka’ati. Ce qui a montré aux historiens la voie et l’intérêt d’exploiter la production écrite des Africains. Ainsi, il va sans dire que l’accès à ces ressources, encore peu exploitées, permettrait certainement de mieux connaitre non seulement Cheikhou Oumar El Foutiyyou, l’homme de culture et d’écriture, mais au-delà l’histoire de toute l’Afrique de l’Ouest.
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